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mercredi 21 août 2013

" CONCERTATIONS NATIONALES ", UNE VASTE COMEDIE ?

Parlons sérieusement. Que va-t-on, très franchement, faire ou se dire aux « Concertations nationales »? Trouver, comme on l’entend de-ci de-là, des solutions à la crise multiforme que connaît le Congo? Si tel est l’objectif de ces assises, le président de la République avoue ainsi, sans le reconnaître clairement, son incapacité à gouverner le pays. Il doit alors tout simplement rendre son tablier.
Car gouverner, c’est décider, c’est trouver des solutions aux problèmes – à tous les problèmes – qui surgissent de et au sein de la société. Gouverner, c’est faire rigoureusement appliquer les lois, c’est installer une administration publique outillée et efficace, c’est bien orienter et impulser continuellement l’économie.
 
C’est assurer la sécurité des personnes et de leurs biens à l’intérieur et aux frontières du pays en mettant notamment en œuvre une politique de défense nationale intelligente, c’est mener une bonne diplomatie qui donne aux concitoyens une place utile et digne dans le concert des nations, etc. Le président de la République reçoit le pouvoir pour réaliser tout cela.
Aux présidentielles de 2011, Joseph Kabila s’était présenté devant les Congolais avec un programme dans lequel figuraient ces différents aspects de la gestion d’un pays. Et puisque disposant , sous sa férule et à sa totale dévotion , de l’armée , de la police , des appareils judicaire et sécuritaire, des majorités parlementaires confortables (au niveau national et dans toutes les provinces), d’une société civile « dollarisée » et applaudissante, et, surtout, des finances publiques, pourquoi Joseph Kabila peine-t-il à gouverner , pourquoi a-t-il besoin de convoquer le ban et l’arrière-ban pour « trouver » des solutions aux problèmes du pays ? Que lui manque –t-il pour ce faire ? La difficulté de répondre à la question montre qu’il y a bel et bien un problème. Lequel? C’est la grande énigme, ce que les Congolais cherchent à comprendre, ce qui constitue, peut-être, la raison d’être des très discutées concertations nationales.
Ces prochaines consultations (évitons de dire « dialogue » pour ne pas fâcher certains) vont s’ajouter à la liste de grandes rencontres nationales organisées au pays depuis 1960 qui ont toutes, chaque fois, prétendu installer un « nouvel ordre politique et social ». Le Dialogue Inter congolais est la dernière en date. S’en rappelle-t-on ? De quoi y avait-on parlé ? Les matières sur lesquelles on devrait débattre au cours des (imminentes ?) concertations (la paix, la cohésion nationale , l’ordre institutionnel et autres) n’y avaient-elles pas été traitées?
Les vérités sortant de la confrontation des idées, le débat est donc vivement recommandé dans toute démocratie, en permanence. Mais doit-on éternellement débattre des mêmes choses ? Doit-on répétitivement établir les mêmes diagnostics, identifier les mêmes causes sans jamais s’y attaquer? Et c’est ici le vrai problème : l’absence de volonté ( politique) de changer positivement et globalement le pays, d’entrer dans l’histoire ; le manque de courage de s’attaquer aux antivaleurs , d’éradiquer les gangrènes de la société congolaise actuelle que sont l’impunité généralisée, l’inquiétante et grandissante avarice des gouvernants ainsi que la légèreté de leur comportement, la truanderie institutionnalisée, le clientélisme et le népotisme qui affaiblissent l’Etat, la prévarication et l’incompétence ambiantes, l’affaissement moral du pays, …
La récente déclaration (un ballon d’essai ?) du très prudent Léon Kengo Wa Dondo, le président du Sénat et du…Présidium des Concertations nationales – qui n’a pas l’habitude de parler pour raconter des salades -, a certainement levé le voile sur un des objectifs de celles-ci : le partage du pouvoir entre le Pouvoir et l’Opposition dans un gouvernement d’union nationale. Cette dernière va-t-elle mordre à l’hameçon et se faire prendre au jeu de la Majorité Présidentielle qui développe – ce n’est plus un secret – toutes sortes de mécanismes visant à contourner l’obstacle constitutionnel et à permettre à son « autorité morale » de se représenter aux présidentielles de 2016. Et l’astuce serait trouvée : remettre les compteurs à zéro, effacer les deux ans et demi passés de l’actuel mandat du président de la République en organisant une nouvelle Transition, à l’image de celle de 2003 à 2006. Le « second » mandat de Joseph Kabila (re)recommencerait alors en 2016.
L’article 220 ne serait ainsi pas modifié ni violé, mais proprement contourné. Réussira-t-on ce tour de passe-passe ? Rien n’est moins sûr.
Car la modification (ou le contournement) de l’article 220 est aujourd’hui un exercice à haut risque. Les très vives et nombreuses réactions négatives à la prose , à la « gymnastique intellectuelle » d’Evariste Boshab, le très controversé secrétaire général du Pprd, auront été révélatrices de l’état d’esprit de l’opinion : toute évocation, toute tentative de «chipoter » la Constitution est aujourd’hui, tous les signaux politiques et sociaux le montrent , malvenue pour une majorité des Congolais.
Et pourquoi, ciel !, le pays doit-il s’empêtrer dans des débats (et de grosses dépenses) juste pour trouver comment un citoyen , président de la République soit-il , pourrait rester ( longtemps) à son poste ? Renoncer au pouvoir et à ses multiples avantages (honneurs, influence, argent,…) n’est pas chose facile. Sans doute. Mais toute chose, toute activité humaine a une fin. Le président Kabila et tous ceux (parents et courtisans) qui vivent ou profitent directement ou collatéralement se son actuelle et prééminente position, doivent accepter et « digérer » cette dure et incontournable loi de la nature.
De nos jours , tous les chefs d’Etat africains qui quittent le pouvoir de façon régulière, après l’exercice de leur (s) mandat (s) constitutionnel (s), reçoivent une respectabilité internationale, un « certificat » de bon démocrate. Joseph Kabila pourrait en bénéficier. Les membres avertis de la famille, les amis ( nationaux et étrangers), les intellectuels et les conseillers politiques du président sont ici invités à prendre leur courage en mains afin de faire voir au « chef » les durables avantages qu’il tirerait à emprunter ce chemin de l’honneur. Entré au pouvoir par la petite porte, par « héritage paternel inattendu et lui contesté », il en sortirait par la grande, avec, en prime, un hommage national et mondial.
Ce groupe de proches est ainsi appelé à le dissuader de toute obstination qui le pousserait à penser et à dire comme Mac-Mahon : « J’y suis, j’y reste ». On ne peut imaginer le « politique » Joseph Kabila tenir activement à l’organisation des concertations nationales sans en attendre un profit conséquent. Et si l’objectif principal de celles-ci consiste – on en entend de plus en plus le bruit – à l’autoriser à rempiler en 2016, elles seraient alors, vraiment, une vaste et honteuse comédie.
WINA LOKONDO,Mbandaka
 

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